• La spiritualité peut se définir comme la Contemplation féconde du Mystère de l'existence.
• S'il ne saurait y avoir de spiritualité sans sens du sacré, elle peut toutefois prendre des formes laïques, agnostiques ou athées.
• Chaque tradition propose une Voie avec une figure exemplaire ainsi qu'un corpus de pratiques psycho-spirituelles, de récits, de mythes et de rites.
• Le cheminement spirituel est une expérience de transformation existentielle dont la destination pourrait être définie comme la disparition de la peur de la mort (et donc de la vie). Ou encore l'accession à un état de profonde compassion envers soi-même et les autres.

La spiritualité implique dans son mouvement essentiel un décentrement permettant de nous relier à plus grand que nous-mêmes.

L'anthropologue Gregory Bateson (un des fondateurs de l'approche systémique) avait  observé que c'est en changeant ainsi de cadre de référence que les alcooliques pouvaient passer de leur vécu d'impuissance individuelle face à l'alcool à la liberté de choisir la sobriété.

Ce concept de "Puissance supérieure" s'est imposé dans le domaine de la spiritualité appliquée au rétablissement, avec l'avantage de laisser chaque personne libre de la concevoir de la manière qui lui convienne.

Comment le cerveau, dans sa structure et ses fonctions, participe-t-il à cette conception ? Cela a été une des grandes questions de recherche de Newberg & Waldman !  Avec des implications pratiques bien intéressantes...

Bien des gens espèrent de bon droit que la spiritualité apportera plus d'équilibre et de force dans leurs vies.

Nous nous sommes cependant tous construits  face à certaines difficultés en nous rigidifiant, en nous blindant ou encore en mettant à distance certaines parties de nous-mêmes (sous-personnalités).

La force qui naît de notre développement spirituel passe forcément par des phases où nous rencontrons ces "démons de notre passé" en faisant l'expérience de notre vulnérabilité.

Cette confrontation (à vivre avec douceur et compassion envers nous-mêmes) nous permet de déconstruire nos défenses pour nous réapproprier ce que le bouddhisme appelle "notre cœur profondément sensible".

Ce processus ouvre progressivement l'accès au sentiment de bonté fondamentale qui est la nature authentique de notre être-au-monde selon les différentes traditions.

Toutes les traditions ont formalisé des pratiques selon les mêmes axes immuables :

• La Prière
• La Méditation
• La Fréquentation de récits fondateurs et de mythes
• Les Rites

Ces pratiques, tour à tour inspirantes et frustrantes,  aident selon les découvertes des neurosciences à réguler mais aussi à développer certaines fonctions cérébrales - allant  jusqu'à modifier durablement l'architecture de notre cerveau.

L'accélération et la technologisation croissante de notre mode de vie nous ont conduit en tant que civilisation à perdre en grande partie notre "accord avec le monde", mais aussi avec nous-mêmes et les autres.

La sociologie contemporaine a conceptualisé ce processus : nous avons fondamentalement vocation à vivre "en résonance" avec notre environnement et les autres d'une manière qui nous connecte et nous nourrisse.

Les peuples premiers sont restés maîtres de cette compétence, que nous pouvons travailler à restaurer même au cœur de notre post-modernité.

Les corpus de mythes, comme l'ont montré les anthropologues et les mythiciens, ne sont pas des fables pré-logiques selon le préjugé qui a longtemps prévalu en l'Occident.

"L'homme a toujours aussi bien pensé" avait fort heureusement corrigé Lévi-Strauss, montrant que le mythe propose un "tableau de vérités complexes" à entendre dans la spécificité du langage symbolique.

Le "story-telling" récupère aujourd'hui cette réalité dans le champ de la politique et du monde de l'entreprise : c'est toujours par et avec des récits emblématiques (et donc paradigmatiques) que se façonne notre vision du monde.

Une compréhension que les traditions spirituelles ont mise à profit de tout temps...

Si la condition humaine est pleine de beautés et de joie, elle comprend aussi pour chacun d'entre nous une quantité substantielle d'adversité et d'épreuves, parfois douloureuses à l'extrême.

Si la première vérité du Bouddha est que la souffrance est inévitable, la seconde est heureusement qu'il existe une voie hors de cette souffrance !

Tout dépend bien sûr du sens qu'on attribue aux mots, mais un aphorisme anglais propose à ce sujet une distinction utile : "Pain is inevitable but suffering is optional" (La douleur est inévitable mais la souffrance est optionnelle).

Les traditions philosophiques et spirituelles proposent des chemins pour apprivoiser cette réalité de sorte à éviter de rajouter à la douleur faisant inévitablement partie de l'existence la souffrance supplémentaire de nous débattre avec elle.

Accueillir (ou accepter) ne veut pas dire nous résigner passivement ou nous couper de nos ressentis, bien au contraire. Il s'agit de traverser les épreuves avec compassion envers nous-mêmes, en nous laissant grandir à travers elles.

Les traditions spirituelles à travers toutes les cultures ont proposé des pratiques en-statiques (de retrait en soi et d'immersion dans la paix et le silence intérieurs) et extatiques (transe, dépossession de soi à travers la danse, le rythme et le mouvement).

Si les traditions chamaniques, soufies, africaines ou tibétaines par exemple les ont  préservées, l'Occident a délaissé en grande partie celles relevant du second registre à de rares exceptions près (comme les mouvements charismatiques chrétiens).

Comment se déplacer dans ce continuum allant de l'un à l'autre pôle, à quelles fins et avec quels moyens ? Voilà quelle sera la question centrale de ce module.

 « Seul le silence, le silence des choses, le silence de la nature, le silence de la lumière, le silence du chant des oiseaux lui-même, ce silence seul peut faire contrepoids à la folie des hommes.

Il est absolument indispensable, si nous voulons garder notre équilibre, de revenir continuellement au silence.

Les hommes pourraient se rencontrer et se retrouver infailliblement, dans la mesure, justement, où chacun consentirait à se démettre de lui-même en écoutant l’appel du silence. »  

Abbé Maurice Zundel (1897 - 1975)